Dijon 6-2025 Angelo

De temps en temps une photo intime : Angelo mon garçon
Dijon 6-2025 Angelo
De temps en temps une photo intime : Angelo mon garçon
Laissez-moi vous conter l’histoire d’Alice.
Alice est une jeune fille, plutôt sage, aimant être avec ses amis, sans être jamais complètement là. Alice aime jouer, mais elle aime aussi beaucoup regarder les autres jouer. Elle aime se poser sur un banc et les regarder avec un sourire de satisfaction comme si elle jouait avec eux à distance. Elle doit avoir entre seize et dix-sept ans, donc elle est déjà courtisée, mais elle n’a toujours pas été conquise, dans les deux sens du terme. C’est un peu comme si elle n’avait pas conscience de son corps. Elle a un rire discret et cristallin, qui ressemble au rire de quelqu’un qui n’a pas compris la blague mais qui veux faire plaisir. La vérité : la plupart du temps, elle comprend la mécanique de la blague, mais pas sa drôlerie. Bref, Alice est une petite curiosité.
Une des choses qui fascine Alice est la grande porte fermée à la sortie de la ville. C’est une grande porte en bois séculaire, souvent fermée, mais toujours imposante. Ce qui la fascine réellement, ce sont les mystères qui se trouvent derrière…
Mais il est temps de vous faire une aparté (ou un aparté, je n’ai jamais su) et de situer l’action : Le village d’Alice est un petit village, à peine une poignée de milliers de personnes. C’est un village moderne au style moyenâgeux, avec des maisons en pierre et de toutes petites fenêtres, car, comme vous le savez, à l’époque le verre coûtait cher, au moins aussi cher qu’il était dur de chauffer des maisons en pierre en hiver et de les rafraîchir en été. Chaque maison contient une boutique ou un atelier qui donne sur la rue et une arrière-cour avec un potager, les habitations se situant aux premier et parfois second étages, le tout surmonté d’un toit terrasse. Le climat est doux et agréable, la plupart du temps, avec des hivers courts mais glaciaux et des étés tout aussi courts mais brûlants. Évidemment, en été, le froid hivernal est regretté, quand en été la chaleur estivale est redoutée. Le reste du temps, il fait à peine trop chaud ou à peine trop froid et les villageois alternent tranquillement entre les deux jusqu’aux saisons ardues. Comme dans beaucoup de village, le jour du marché est le jour des rencontres, le jour où les cultivateurs et les éleveurs qui sont situés à l’extérieur de la ville viennent rencontrer et échanger avec les commerçants et les artisans sur la grande place centrale du village.
Alice et ses parents habitent à proximité de la place principale. Son père est couturier et sa mère est tisserande. Il est rare que les deux parents aient un métier différent, mais c’est ainsi et cela n’a aucune importance dans cette histoire, mais je tenais à le dire. Ce qu’ils font est apprécié et ils sont donc aisés, mais pas trop, ils sont dans la moyenne haute du village. Alice a tout pour être heureuse, je ne parle pas bien évidemment de ses deux frères et de sa sœur qu’elle trouve parfois un peu teigne avec elle. Alice a tout pour être heureuse juste parce qu’elle ne connaît pas le malheur. Mais, finalement, elle ne semble pas plus heureuse que ça. À quoi cela tient ? Mystère, faut il être malheureux au moins un peu pour se rendre compte de ce qu’est le vrai bonheur ? Toujours est-il que le soir après le marché, quelque soit le temps et donc la saison, c’est le soir de la fête et le soir des histoires. En effet, un peu avant la tombée de la nuit, les villageois, leurs invités et les saltimbanques s’apprêtent, qui dans sa chambre, qui dans sa caravane. Les musiciens sortent leurs instruments et certains, leurs beaux costumes, et tous se retrouvent sur la place du village pour jouer, chanter, danser et écouter des histoires. Et Alice adore les histoires, c’est bien la seule chose qui semble la rendre vivante. Ses yeux se mettent à pétiller, et elle ne met jamais autant d’entrain à se préparer.
Il y a une histoire qu’elle adore par-dessus tout et depuis des années, c’est l’histoire de “l’arbre monde”. L’histoire d’un arbre au milieu de nulle part dans lequel il y a un village. Ce village ignore s’il est le seul de l’arbre et même qu’il est situé dans un arbre, car personne ne s’est jamais posé la question. Toujours est-il que dans ce village qui semble isolé, il y a une jeune femme, à laquelle Alice s’identifie, qui se pose des questions et comme ses voisins disent, “bien trop de questions” et pour trouver des réponses, la jeune femme décide un jour d’aller explorer le monde et de voir s’ils sont seuls.
Donc un beau jour de printemps, un peu avant l’aube, classique, elle prépare son baluchon et s’en va. Simplement et naturellement. Elle passe la grande porte du village silencieux et se met en route d’un bon pas. Tout au long de la matinée, elle traverse des lieux qu’elle reconnaît, mais bien évidemment, plus elle avance et moins le paysage lui semble familier. Arrivée à ce que son estomac lui signale être midi, elle décide de se poser au bord de la forêt. L’histoire étant située sur l’arbre-monde, ce n’est bien évidemment pas une forêt comme nous l’imaginons, mais par facilité, c’est ainsi que nous la nommerons malgré tout. Elle a passé une bonne partie de la matinée à monter, car cette forêt est un peu en surplomb. Elle est à son sommet et l’après-midi devrait être moins éprouvant ; elle voit le chemin se perdre sans réelles difficultés, mais elle sait que cela sera long et qu’il y aura des surprises. Les habitants ont fait un petit promontoire qui permet de voir tout au loin, au fond de la vallée, son village, tout petit. Elle fait une pause d’une petite heure en regardant son village en contrebas, en observant le paysage autour d’elle, en se délectant de son repas, de la vue et des odeurs. Puis elle reprend sa marche. une bonne partie de l’après-midi sans encombre notable, mais avec, déjà, parfois des doutes sur la stupidité de son aventure.
Elle se rend compte que la nuit arrive et qu’elle n’a rencontré personne depuis sa pause, et aussi que le chemin, bien qu’encore visible, est de plus en plus « effacé ». Elle s’inquiète un peu, surtout que, depuis peu, elle entend un bruit étrange ; sur le coup, elle pense que c’est son imagination qui lui joue des tours. Elle avance de plus en plus doucement et commence à regretter son voyage, mais elle continue, balançant entre l’espoir de rencontrer quelqu’un d’aimable qui lui donnerait l’asile pour la nuit et la peur de l’inconnu qui fait peur en soi.
Au détour du chemin, juste derrière un arbre énorme, elle tombe face à une scène surprenante. Devant elle, un ours nu fier et gigantesque dormant profondément sur une chaise à bascule. Elle reste abasourdie par l’orgueil de cet ours avant de se rendre compte que c’est juste un homme, velu certes, mais un homme. Jusqu’à cet instant elle n’avait vu que son jeune frère et elle-même nu, et force lui est de constater quelques disparités entre sa mémoire et la réalité.
Alors lui reviennent en tête les histoires que les femmes racontaient quand elles étaient entre elles : les monstres de la forêt, les monstres qui ravissent les jeunes femmes et les rendent folles. Souvent, elles riaient en prononçant le mot « monstre », et paradoxalement, leurs rires lui faisaient peur. Elle regarde ce monstre poilu en se souvenant des histoires qui, à l’époque, lui semblaient farfelues et surtout incompréhensibles. Elle est réglée et sa mère a bien tenté de lui expliquer, mais elle refusait d’écouter et surtout de comprendre. De plus, elle entendait bien ses amies dire des choses, mais cela ne l’intéressait pas plus. Elle était loin de ce matérialisme, elle préférait les livres et les histoires. Mais là, elle n’arrive pas à se détacher de la réalité.
Il bouge.
Elle a peur et elle s’évanouit.
Revenant à elle, elle le voit penché sur elle, un verre d’eau à la main. Il n’est, bien évidemment, plus nu, mais habillé de façon “rustique”, certes, mais semble propre. Son visage est couvert d’une barbe qui semble douce et met en valeur ses yeux qui passent rapidement de l’inquiétude à la joie de la voir revenir à elle aussi rapidement.
“Bonjour, vous avez soif ?”
« Oui, merci », dit-elle sans réfléchir.
“ Tenez, prenez votre temps. ”
Alice but tranquillement. Pendant ce temps, il se présenta d’une voix douce pour un corps si… comment dire, si… la voix l’ensorcelle et elle repense aux histoires, elle frissonne…
“Vous avez froid ?”
« un peu »
«Ne bougez pas, je vais chercher une couverture. »
Elle le regarde partir en terminant son verre. Il a une démarche lourde et il est vraiment imposant. Il revient rapidement avec une épaisse couverture à carreaux défraîchie, qu’il pose sur elle.
« Vous avez l’air fatiguée ! »
Elle raconte partiellement son aventure du jour.
Il lui répond que c’est bien courageux, mais dangereux aussi, de partir comme ça, qu’ils vivent sur un arbre-monde, ce qu’elle ignorait, et que sur cet arbre, peu de gens le savent, mais plus nous nous éloignons du cœur de l’arbre, plus nous devenons petits ; il est donc impossible d’arriver au bout de l’arbre. Et en plus, au-delà de la forêt où ils se trouvent, il n’y a qu’une clairière de plus en plus aride et désertique dont les gens reviennent épuisés… quand ils reviennent. Il voit son regard devenir triste.
Ohhh, je suis désolé, je n’aurais pas dû vous dire tout cela, mais je suis trop souvent seul ici, et quand j’ai l’occasion de parler, j’ai du mal à m’arrêter. En tout état de cause, vous pourrez poursuivre votre voyage, et si vous le souhaitez, je pourrai même vous accompagner un peu, mais je devrai revenir garder les lieux au cas où quelqu’un se perdrait, c’est ma mission. « Vous avez faim ? », conclut-il. Il l’aide à se lever et ils se dirigent vers la maison en babillant. Quand la porte s’ouvre, elle est conquise et se laisse posséder, non sans une petite appréhension.
Elle se réveille avant l’aube en pleine forme, s’habille rapidement. C’est étrange, tout est pareil, mais tout est différent. Elle prend, vole ?, quelques provisions dans le garde-manger et écrit un petit mot :“Je continue mon chemin, mais sans doute nous reverrons-nous un jour.”
Elle marche une bonne heure avant d’arriver à la dernière arche, c’est ainsi qu’il l’a appelée : deux pieds en bois sur deux socles en pierre d’un peu plus de deux mètres de haut espacés de deux mètres de large. Les bois sont envahis par des lierres qui se rejoignent au sommet. C’est simple et beau. De l’autre côté de l’arche, une gigantesque plaine aride qui donne une impression d’infinie. Elle sait qu’aussi loin qu’il est allé – il avait dit une journée de marche, mais il lui faudrait sans doute plus –, donc aussi loin, en cherchant un peu, il y a de quoi se nourrir et s’hydrater, mais… Elle regarde le paysage quelques minutes, s’interroge sans conviction et se lance à l’aventure.
À ce point les histoires qu’Alice écoutait divergent en fonction de celui qui les raconte. Certaines la faisaient disparaître dans la prairie après diverses aventures parfois abracadabrantesques, d’autres la faisaient revenir en plus ou moins mauvais état, il y a même une fois où un conteur raconta qu’après trois jours de marche sans personne, la jeune femme rencontra une tribu ancienne et qu’elle en revint quelques années plus tard avec deux enfants, un à elle et un autre adoptif et que l’ours l’attendait et qu’ils se marièrent et vécurent heureux et blah blah, mais l’histoire qu’Alice entendit conter ce soir-là eut la bonne idée de s’arrêter à l’arche. Et ce soir-là, Alice rêveuse comprit une chose : le lendemain elle partira avec les saltimbanques et elle aussi vivra en racontant cette histoire et d’autres. D’ailleurs, l’histoire d’un vieil homme tombé dans un ravin et regardant le ciel lui venait déjà à l’esprit…
Première publication sur le site : le 4 mars 2025 à 18h13
Corrections apportées le 26-06-2025
Mémoires : Circa 2000 : premiers clichés
Cette exposition photo virtuelle, « Mémoires Circa 2000 » a été réalisée dans la région de Paris et de sa banlieue avec un appareil photo numérique. Il a été acheté à l’occasion de la naissance de ma fille Althea. Les photos de ma filles sont pour la plupart réservée à un usage personnel et familial. L’appareil photo et la fuite de ma femme avec ma fille sont devenu l’occasion de sortie dans des endroits ou je ne serai jamais allé sans. J’ai commencé à saisir des instantanés aléatoires, des photos de « paysages » urbains, de friches industrielles, de campagnes et autres, aucune spécialisation notable, mais des thèmes qui reviennent, l’abandon, la tristesse, l’usure du temps, et la fragilité de l’instant. L’essence de beaucoup de ces photos ont été faite avec l’esprit d’un ami dont j’adore les photos Christophe SCHIRMER, l’esprit, mais pas le talent, je ne dit pas cela pour me dévaloriser mais je suis conscient d’être bien trop feignant et sauvage pour prendre le temps d’apprendre et de me domestiquer.
Je photographie d’ »instinct », je regarde, je vois, je cadre, et je saisi. La vue sur l’écran est toujours une surprise. Il arrive régulièrement que les photos prises soient floues, que les couleurs et contrastes ne correspondent pas, que l’expression ait changée, que le cadre ne soit pas bon et pour moi le travail est là, dans la sélection avec le minimum de retouche. Au départ, il me semble que la photographie, contrairement au chant et à la peinture par exemple, n’était pas un art mais une prouesse technologique, nonobstant certains artistes et esprits libres se sont emparé de cet outil.
Je pense que nous sommes tous des artistes, certain le savent, la majorité l’ignore, persuadé qu’ils n’ont aucun talent. S’ils n’en ont pas c’est qu’ils ne l’exercent pas: prenez un stylo, écrivez et il en sortira quelque chose, sans doute maladroit au départ mais avec le temps et l’envie, il est obligatoire qu’il en sorte quelque chose. Je ne suis pas naïf et je sais que nous ne sommes pas tous des Victor HUGO, heureusement, d’ailleurs ce qui est valable pour l’écriture, l’est pour la peinture, le chant. Plus les moyens mis en œuvre pour réaliser une œuvre sont lourd, plus la part « artistique » sera diluée dans d’autres impératifs, notamment de rendement. Il ne s’agira plus d’exprimer quelques choses de personnel, d’intime, mais de plaire au plus grand nombre. Un film, par exemple, nécessite une infrastructure colossale et l’art qui pourrait s’y trouver ne peut que se noyer dedans. Oui, je sais, il existe quelques pépites dans le cinéma, mais honnêtement, je pense qu’il existe plus de film de « propagande » caché dans des divertissements que de film d’art, et notamment dans le cinéma mainstream. Mais tout n’est-il pas « propaganda » me direz-vous. Oui mais peut on comparer la propagande d’un homme qui peint seul dans son atelier, souvent fauché, et la propagande de studios multimillionnaires, dont un des buts caché est d’asservir, en faisant rêver, une population stressée et pressurisée pour qu’elle accepte sa condition et qu’elle reste à sa place ?
Tout cela pour dire que c’est rarement par la technologie et l’argent que l’on fait de l’art.
Je suis un artiste, mais je suis aussi un philosophe, un père, un travailleur, un consommateur, un politicien, mais, bien évidement, je ne suis rien de tout cela, même mon statut de père qui pourrait me sembler évident peut être remis en question. Finalement dans cette société ne sommes nous pas juste des consommateurs ? j’écris ce texte en partie un lendemain de la fête de la musique, les groupes qui jouaient en terrasse des cafés ne sont-ils pas là juste pour que nous consommions ? juste pour ce faire connaître et jouer devant des terrasses de plus en plus grandes ? pour vendre de plus en plus d’objet de plus en divers et varié et, du coup, je me demande ou sont les artistes qui jouaient sans « sponsor » juste pour le plaisir de jouer et de nous faire plaisir ? et du coup je me demande s’il n’est pas inévitable que la professionnalisation de l’art, et du sport aussi, ne mène à une fascisation de la consommation : un art et un sport de plus en plus élitiste avec des choix fait de plus en plus jeune, et le plaisir de jouer kidnappée par le pouvoir du pognon …
En suivant le lien de la page vous trouverez des photos de style différents. J’aime les décalages, les états de réalités non ordinaire. Par exemple, la photo qui sert d’ »affiche » est celle d’une bouche d’incendie d’un rouge rutilant devant la tristesse d’un magasin abandonné dans une rue abandonnées d’un village de la banlieue parisienne, Goussainville le Vieux, très précisément. Cette photo est une sorte de métaphore de l’art actuel, un objet visible et rassurant « la borne d’incendie » dans l’abandon intellectuel ou il me semble que nous nous trouvons: nous nous gavons de shorts, de séries, de films proposée par des médias détenus par des milliardaires qui n’ont que peu d’appétence à l’émancipation des populations, puis nous suivons des processus, des injonctions et nous nous abandonnons à la grisaille ambiante.
Toutes les photos de la page sur laquelle pointe le lien, datent du début des années 2000, vous y trouverez des photos avec :
Une borne d’incendie en « cage »
Une queue à la boucherie
Un tas de bois devant une voie ferrée
Un immeuble cubique
Un couloir d’hôpital
Des ombres devant un manège
Une trace de doigt sur un pare brise
Une façade de chantier
Un quai fermé abandonné tagué
Le même quai d’un point de vue différent
Des grues à Roissy
La pluie sur une vitre
Un bouchon de l’intérieur d’une voiture
La photo d’introduction
Bonne visite à vous
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.